Le Tri-Mecano-Biologique, qu’est-ce que c’est ?

Les usines de Tri-Mécano-Biologique (TMB) sont des installations industrielles de tri a posteriori des ordures ménagères résiduelles (OMR). C’est-à-dire qu’est opéré un sur-tri mécanique des déchets ménagers jetés en mélange (poubelle « grise »). Ce mode de gestion des déchets est l’opposé d’un tri à la source.


Comment fonctionnent-elles ?

Les usines de TMB fonctionnent grâce au tri mécanique qui vise à fractionner et à isoler progressivement les déchets de la matière organique.
Selon les promoteurs de ces usines, les déchets triés correspondraient à trois différents types de flux “propres”. Il s’agit de certains matériaux (tels que les métaux, plastiques, verre, etc.), les déchets fermentescibles (c’est-à-dire les déchets composés essentiellement de matière organique biodégradable) et les autres déchets.

A la suite de ce tri, chaque gisement de déchets est traité différemment (3 manières). En principe, les déchets identifiés en tant que matériaux peuvent être recyclés. Ensuite les déchets fermentescibles sont censés être traités biologiquement grâce au compostage ou à la méthanisation. Ils ont pour but de devenir des produits valorisables (tels que le compost ou le biogaz). Enfin ceux qui restent sont broyés et séchés pour être transformés en produits “stabilisés” avant envoi en décharge ou destinés à l’incinération (aussi appelés combustibles solides de récupération ou CSR).

Pourtant, ni le compost produit par ces usines, ni les déchets stabilisés ne constituent une voie satisfaisante ! 


Un TMB pour faire quoi ?

En fonction des collectivités locales ayant fait construire de telles usines, les arguments mis en avant sont multiples. Il peut s’agir de la transformation des déchets pour en faire des combustibles, produire du compost, du biogaz, etc.

En Europe ce procédé est surtout utilisé pour produire de l’énergie sous forme de combustibles solides de récupération ou de biogaz. Il peut également servir comme moyen de stabilisation des ordures ménagères avant leur enfouissement. Certaines législations nationales interdisent le retour au sol du compost issu de TMB. Tel est le cas par exemple pour l’Allemagne, l’Autriche, les Pays-Bas, certaines régions d’Espagne et d’Italie,…

A l’inverse, en France, le TMB y a initialement été développé pour produire du compost. Le parc français s’élève à une cinquantaine d’usines. Il a été présenté comme un moyen efficace et écologique de traiter les déchets organiques à partir des ordures ménagères résiduelles jetées en mélange.

Cependant la réalité était toute autre !


Les principaux problèmes posés par les TMB : 

La mauvaise qualité du compost :

Le TMB est loin de permettre la production « magique » d’un amendement agricole de qualité (le compost) à partir de déchets mélangés. Le flux de déchets organiques obtenu après tri-mécanique est “impropre”. Des matières polluantes telles que certains produits chimiques, métaux lourds ou résidus de plastiques peuvent s’y retrouver. La norme française dite « de qualité » des amendements organiques (NF U 44051), d’application obligatoire, autorise pour le compost produit jusqu’à 2% de verre et métaux et 1,1% de plastique, soit pour un mètre cube de compost 2,7 kg de plastiques et 5 kg de verres et métaux.

 

 

 

 

 

5 kg de verre/métaux et 2,7 kg de plastique, CNIID Dossier Digestat issu du TMB, Arivem

Cette norme française est bien plus laxiste que la norme européenne. La norme française permet au compost issu du TMB d’être utilisé en agriculture. Pourtant ces usines connaissent des difficultés récurrentes à l’écouler auprès des agriculteurs. En effet, ce compost permettant aux différents contaminants de s’accumuler dans les sols dédiés à la production de notre alimentation.

En effet, la matière organique obtenue peut avoir été en contact avec un certain nombre de déchets toxiques pendant plusieurs jours : toutes sortes de plastiques, couches, piles, protections hygiéniques, ampoules, aérosols, etc. On ne peut donc obtenir un compost de qualité en récupérant la matière organique à partir d’ordures en mélange. Par ailleurs, des études menées notamment par l’INERIS ont déjà pu montrer que les composts issus de biodéchets collectés séparément sont de bien meilleure qualité que ceux issus du TMB (étude, page 32).

Les risques liés à l’exploitation :

Ajoutons aux médiocres performances du traitement des matières organiques, certaines usines de TMB leur dangerosité et fragilité. De nombreux incidents sont ainsi à déplorer : incendies, explosions, casses prématurées… Et c’est alors la collectivité qui paye le prix fort pour continuer à investir et réparer les usines.
Ces fiascos industriels ont achevé de ruiner la réputation de ces usines. Ils ont par exemple entraîné la fermeture pure et simple de l’usine d’Angers, ou attiré l’attention de la Chambre régionale des comptes d’Occitanie avec un rapport final accablant pour l’usine de Montpellier.

Les coûts importants des usines de TMB :

La construction d’une usine de TMB peut coûter plusieurs dizaines de millions d’euros en investissement. Et ce sans compter les frais d’exploitation, souvent exécutée par des prestataires externes. La mobilisation d’un tel budget peut freiner  les investissements dans d’autres secteurs tels que le tri à la source et les collectes séparées. 


Le changement de nom des usines : faire du vieux avec neuf 

Le grand nombre de critiques adressées à ce mode de gestion (médiocre qualité du compost, incendies, casse précoce, coûts, etc.) a abouti à ce que la Loi de transition énergétique pour la croissance verte les qualifie de « non-pertinentes » (article L541-1, I, 4° code de l’environnement). Plusieurs décisions de justice ont confirmé qu’il s’agit bien d’une interdiction de construire de nouvelles usines lorsqu’aucun tri à la source des biodéchets n’est réalisé sur un territoire donné.

Depuis peu, on assiste donc au changement de nom de ces usines. De “Tri-Mécano-Biologique” elles deviennent “Centre de Valorisation Organique” ou encore “Usine de Tri-préparation”, « TVME », etc. Ces nouvelles usines n’ont désormais plus pour objectif de produire du compost mais des Combustibles Solides de Récupération (CSR). Le dépôt de nouveaux brevets et la mise en place de nouveaux éléments de langage pour décrire ces usines laisserait penser qu’elles permettent une gestion des déchets optimum. Selon certains industriels la valorisation serait de 90%. Cependant les performances en matière de tri restent toutes relatives. Zero Waste France a enquêté sur ces usines dernier cri, et analysé les statistiques communiquées par les industriels et les pouvoirs publics.

Pour lire l'étude : 
Les usines de tri mécano biologique "dernière génération" : des usines à produire du 
combustible ? 
- Quésaco, Dossier 1/3
- Les données communiquées, Dossier 2/3
- Les combustibles solides de récupération issus des TMB, faire du neuf avec du vieux ?, Dossier 3/3

 

Surtout, les promoteurs de ces « nouvelles » usines se targuent d’aller dans le sens des objectifs législatifs. Ils reprennent à leur compte l’objectif de division par deux des déchets mis en décharge d’ici 2025. Le but est ainsi de transférer les déchets auparavant enfouis vers l’incinération. Or, dans la hiérarchie des déchets, les premiers objectifs sont bien la réduction des quantités de déchets produites, et l’augmentation du taux de recyclage à 65 % en 2025 (article L. 541-1 code de l’environnement). Ce sont bien la prévention et le recyclage qui doivent permettre d’atteindre cet objectif, et non le transfert court-termiste de la décharge vers l’incinération.

Pour aller plus loin : 
- L'avis sur le Traitement-Mécano-biologique de l'ADEME
- Lire la note de positionnement de France Nature Environnement, mars 2011

zero-waste-france